Le 10 mai 2001, le parlement français bat en brèche le silence sur la traite et l’esclavage par le vote de la loi dite loi Taubira qui acte la reconnaissance par notre République de la traite négrière et de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Notre Pays est l’un des rares pour ne pas dire le seul à avoir reconnu que les faits commis pendant cette période de l'histoire constituaient un crime contre l'humanité.
Depuis, l’oubli de ce passé se dit partout en France. Devoir de mémoire, commémorations, réparations sont les maîtres mots d’un déploiement d’actions.
Ici même dans le château de l'Isle de Noé, sont exposées chaque été des caricatures d’ Amédée de Noé, signées de son pseudonyme Cham, qui illustrent cette période de l’histoire. Ce caricaturiste a décrit par ses dessins les vies croisées de la famille de Noé avec son ancien esclave affranchi Toussaint Louverture, héros de l'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue.
Je vous invite à les découvrir ou à les re-découvrir ainsi que le portrait en pied de Toussaint Louverture réalisé en 2017 par un artiste lislois que je citerai Dominique Bernier. Autre artiste Bessan Aureil venu du Benin pour nous faire découvrir son oeuvre émouvante "le navire négrier".
A deux mois de cet événement, nous sommes donc réunis dans ce lieu de mémoire pour honorer en cette journée nationale le souvenir des esclaves et commémorer l'abolition de l'esclavage.
Basé sur une idéologie raciste, le système esclavagiste était avant tout un commerce lucratif. C’est sur ces deux crimes contre l’humanité que sont l’esclavage et la traite que l’Europe a connu un développement sans précédent. La traite, plus grande déportation humaine de tous les temps, a duré près de quatre siècles. Elle est bien spécifique puisqu’aujourd’hui encore, les héritiers de cette histoire conservent la marque de cette servitude qui entraîne auprès de certains mouvements extrémistes la justification du racisme qui ronge nos sociétés.
Aussi, parler de l'esclavage permet de prendre conscience du problème et de faire que notre pays se batte pour son abolition, là où malheureusement il existe encore. Ce que l’on appelle l’esclavage moderne continue de sévir, et ce au sein même de nos sociétés démocratiques. Se basant sur l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui stipule que « nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude. L’esclavage et la traite des esclaves sont interdites sous toutes leurs formes» , l‘organisme esclavage moderne recense nombre d’exemples qui en témoignent, de l’exploitation des travailleurs pauvres à la prostitution forcée en passant par le trafic d’enfants. Moins visible, moins formel, mais pas plus acceptable, on estime à 45 millions le nombre de ces victimes chaque jour à travers le monde. Parler de l’esclavage permet aussi de réaffirmer une égalité de traitement entre tous les habitants de France quelle que soit leur origine et leur confession . Et cette égalité entre citoyens construit notre démocratie.
C’est justement parce que le passé a été terrible qu’il ne faut pas le répéter mais l’appréhender pour tenir compte des leçons de notre histoire. Churchill professait qu’« un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ».
Les questions contemporaines n’ont pas de réponses certaines mais elles trouvent un miroir éclairant lorsqu’elles se posent en face du vécu.